mardi 3 janvier 2012

19/ Les lectures complémentaires que ce livre vous a incité à faire

Lectures

L'autobiographie d'Hubert Reeves
Je n'aurai pas le temps est aussi un livre écrit par Hubert Reeves. Sauf qu'à la différence de ses livres de vulgarisation scientifique, l'auteur nous livre ici un regard sur sa vie. Il évoque son enfance sur les bords du Saint-Laurent, la bibliothèque familiale, son éducation chez les Jésuites, puis ses aventures d'étudiant. Il évoque plusieurs de ses voyages, notamment en URSS et en France. Pour finir, il émet des réflexions d'ordre écologique, un combat qu'il mène depuis le milieu des années 1990 (il est actuellement président de la ligue ROC, pour la protection de l'environnement). J'étais déterminé à être astrophysicien quand j'ai lu pour la première fois cette autobiographie, après avoir rencontré Hubert Reeves en personne. Et en plus de ses illuminations personnelles, aussi bien d'un point de vue scientifique, que philosphique ou artistique, ce livre relate aussi les avancées progressives de la science, avec une réflexion intéressante sur les articles d'astronomie, et quelques anecdotes sur des découvertes pour le moins évidentes pour nous.



Redon, L'apparition, 1910
A Rebours, de Joris Karl Huysmans est typiquement l'oeuvre décadentiste du XIXème siècle. Des Esseintes, le narrateur, est un jeune descendant d'une grande famille aristocrate, qui est désabusé par la vie, cherchant à vaincre l'amertume en détournant l'absolu. Nous l'avons déjà dit dans ce travail sur Poussières d'étoiles, mais l'homme ne peut pas vivre pleinement sans absolu. Cette oeuvre est complètement contemporaine à l'oeuvre de Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, qui commence par le célèbre "Dieu est mort". Or, Dieu est l'absolu humain, transcendant, des hommes. A Rebours est une réponse à Ainsi parlait Zarathoustra, donnant naissance à une sorte de philosophe-artiste, représentés par Oscar Wilde, ou encore Charles Baudelaire. D'eux, nous retiendrons Les Fleurs du Mal, recueil de poèmes qu'encense aussi Des Esseintes dans le livre de Huysmans. Et un des célèbres aphorismes de Wilde "nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles".

Le lien avec Poussières d'étoiles est intéressant. Puisqu'après l'étude de l'absolu à travers le point de vue scientifique, voir même sur la question de Dieu "Y a-t-il une intention dans la nature ?", évoqués par Hubert Reeves, nous avons une différente vision où l'Art est absolu, où la beauté est le seul but recherché. L'esthétisme comme transcendance, voilà ce que nous apprend A Rebours.


Il est intéressant de voir dans ce clip du groupe Florence + The Machine une nouvelle lecture liant vanité et spiritualité. La chanteuse, à l'allure tout droit tirée d'un tableau préraphaélite de Dante Rosseti, est tiraillé entre  l'obscurité profane et la lumière sacrée (les plans successifs sur les enfants de choeur et l'homme pratiquant le vaudou s'opposent directement). En croyant échapper au profane en sautant de l'immeuble, et en atterissant dans une figure christique dans une église, elle est finalement rattrapée par le Diable dans les derniers plans, représenté par l'homme blond à la fin de la vidéo.
Au début et à la fin de ce clip, la chanteuse est l'élément d'une vanité baroque. On retrouve les symboles du crâne de cristal, de l'or et des richesses, même de l'emprisonnement dans une cage à oiseau tatouée sur son doigt. Et la femme, elle même représente les plaisirs vains, caractérisés par la rose dans les vanités picturales du XVIIIème siècle.
A cheval entre A Rebours et Tous Les Matins du Monde, cette vidéo représente les quêtes spirituelles, la difficulté pour l'homme de trouver la foi, ou du moins un absolu. Et cette quête est sans fin. D'une certaine manière, Poussières d'étoiles pousse à réfléchir sur la verticalité de la foi, sur le monde actuel, épris de consommation et perdant la valeur du beau. "Après un tel livre, il ne reste plus à l’auteur qu’à choisir entre la bouche d’un pistolet ou le pied de la croix" disait Barbey d’Aurevilly, grand contemporain d'Huysmans à propos d'A Rebours. Huysmans s'étant converti peu après, lui répondit dans sa préface "C'est fait".


Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !



Charles Baudelaire, "Harmonie du Soir", Les Fleurs du Mal




Les Parfums Histoire Anthologie Dictionnaire, est un livre qui vient tout juste de paraître. Il a été écrit par Elisabeth de Feydeau, une historienne du parfum, et ce pendant plus de quatre ans. Le résultat est considérable : en 1216 pages, Les Parfums devient l'ouvrage de référence en matière de parfumerie. Il balaye l'histoire, comme la littérature ou la science, avec en plus des propos de parfumeurs passionnants et un dictionnaire précis et documenté, le tout orienté sur le monde des odeurs.

En ayant relu Poussières d'étoiles, j'ai réussi à lier cette lecture, dans une vision liant l'absolu céleste et l'essence de l'odeur. En effet, le parfum est présent chez l'humain depuis plus de 4000 ans : le parfum est né avant l'écriture. Pendant 6000 ans, le parfum n'avait alors qu'un principal but : élever l'âme des hommes vers Dieu, faisant de la fumée odoriférante le lien entre l'homme et Dieu.

"Symbole d'éternité, le parfum est le substitut pour les humains de l'ambroisie des Dieux. Il ne leur confère pas l'immortalité, mais il leur permet de se rapprocher de la divinité en leur donnant accès à une dimension immatérielle. Le parfum non seulement dégage des odeurs divines, mais donne aussi ces aspects luisants que l'on peut comparer à la beauté lumineuse des habitants de l'Olympe. [...] Tout comme en Egypte, le parfum est brûlé sur les autels en l'honneur des dieux, on parfume les défunts et l'on enduit les statues des dieux ou les stèles funéraires d'une huile parfumée qui contribuent à conserver l'apparence de la vie", écrit Elisabeth de Feydeau à propos du rapport entre l'homme et le parfum en Grèce. Bien évidemment, toutes les civilisations se sont parfumées, et se ont utilisé le parfum pour communiquer avec le ciel, la terre, la nature ou le feu divin.

Vanité olfactive - l'odeur est volatile - mais beauté entre composition de l'esprit, maniement de la science et des atomes (des étoiles), le parfum est Fumée d'étoiles.

Etoiles, Décadence, Vanité - Copyright EG

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